Clarté, différence, adaptabilité et puissance. Les réalisations de Joan Josep Bertran témoignent d’une conviction, d’une volonté inébranlable d’imaginer des solutions graphiques capables de donner à la marque et au produit une stature emblématique, insufflée par un symbolisme culturel très fort. Des solutions capables, en outre, de stimuler l’expérience du récepteur. Son studio réalise depuis 2003 pour le secteur du vin des projets d’identité visuelle d’un grand magnétisme, marqués par l’équilibre entre fermeté des principes et capacité d’adaptation.
Màquina & Tabla est un projet J. J. Bertran à l’état pur. Un projet riche, complexe, ouvert et très déterminé par l’exigence conceptuelle du client, qui réclamait une précision absolue. Ce qui frappe le plus dans cette série d’étiquettes, c’est le travail exhaustif de définition de valeurs et de sens réalisé. L’objectif : représenter le halo d’une attitude et d’une conception particulière de ce que doit être une viticulture inscrite dans le cours à la fois splendide et terrible de la nature.
Les étiquettes de Màquina & Tabla permettent un grand éventail d’interprétations. Qu’entendent-elles transmettre ? Une allégorie, voulue par le client lui-même, du rapport et de la lutte entre l’homme et la nature, où cette dernière a et doit avoir toujours le dernier mot. Chaque étiquette présente une facette particulière de cette lutte, et elles composent ensemble un discours unique.
Le ton visuel contribue à illustrer ce rapport marqué par la tension. C’est vrai. Il vise à refléter un paradigme tout en le contredisant, en créant du sens, un sens énigmatique. Les illustrations de Xavi Forné ont permis d’obtenir une tonalité artistique mélangeant l’ironique et le macabre, le thème de la mort et de sa menace, avec le détail et la fantaisie romantique des paysages inédits. La configuration du message, objectif final et sacré de notre travail, situe les étiquettes dans un code apparemment classique et esthétique mais que l’on détourne à l’aide d’un déploiement narratif résolument audacieux et conceptuellement contemporain. C’est un jeu de contrastes très étudié qui fait appel aux instincts pour expliquer cette dualité animal-homme, nature-raison, dans laquelle l’organique s’imposera.
Qu’a à voir, dans ce cas, cette complexité graphique et narrative avec le projet vitivinicole ? Tout. Elle cherche à l’exprimer, à en saisir l’atmosphère, cet effort pour interagir avec la nature en connaissant ou en ressentant son pouvoir, qui peut parfois même être mortifère. Màquina & Tabla est un projet étroitement lié à des origines géographiques et naturelles concrètes, présentes dans les étiquettes mais sans les connotations auxquelles on les associe généralement, et détaché du poids des discours esthétiques conventionnels sur l’emballage et le conditionnement.
Comment la partie la plus physique, tactile et technique des étiquettes a-t-elle contribué à faire ressentir tout cet univers ? Elle a été essentielle. Au niveau de la production, la conception est simple, mais cela ne nous a pas empêché d’obtenir un jeu volumétrique créant un élément agréable de plus dans les distances courtes. Le papier est un Freelife Merida Cream, d’apparence naturelle et quelque peu rustique. Nous ne voulions pas d’une étiquette surproduite et bridée par les paramètres les plus commerciaux, bien au contraire. Nous la voulions austère, intéressante et crédible.
Quel genre de difficultés a posé l’impression ? Il était indispensable de maintenir l’aspect et la texture d’une gravure à l’ancienne dans un format très petit et avec des trames linéaires très comprimées. L’idée était d’obtenir l’aspect d’une vieille presse lithographique sur des plaques offset. Ce ne fut pas facile d’obtenir une reproduction aussi détaillée : les noirs se mélangeaient et les gris disparaissaient dans les zones claires. Nous avons dû faire un travail photomécanique très minutieux pour obtenir la densité juste. Par ailleurs, la production est apparemment simple : deux ou trois encres et un débossage. Mais il a fallu procéder avec soin à beaucoup de rectifications alors que les machines étaient déjà en marche pour arriver à un résultat optimal.
Chez Màquina & Tabla, le concept graphique et le concept de production vont de pair. Oui, et c’est là le grand atout de Vidal & Armadans : ils savent optimiser la partie technique de l’idée grâce à une attitude très collaborative. Ils savent que l’étiquette peut encore évoluer après qu’on ait remis l’original. L’interprétation de la pièce et sa transposition sur le papier seraient très difficiles si le designer et l’imprimeur ne collaboraient pas.