Toute étiquette est une façon bien particulière d’engager une conversation, un échange de signifiés et de désirs entre la marque et le public qui, lorsqu’il fonctionne, devient quelque chose d’intangible et de puissant : un bon souvenir. Une étiquette efficace puise ses racines dans un projet d’entreprise solide, s’inscrit dans une stratégie cohérente et fait appel, de par son design, au savoir et à l’émotion.
Xavier Bas met ses idées en jeu d’une façon particulièrement intense avec le projet Imaginative Colours, de la marque Manter. Il s’agit d’une exceptionnelle collection qui est le fruit des près de vingt ans d’expérience de Xavier Bas à l’avant-garde de la conception graphique appliquée au packaging, avec des travaux très reconnaissables qui ont ouvert de nouveaux horizons à ce langage.
Qu’est-ce qu’Imaginative Colours ? Ce projet, mis en œuvre en 2010 pour l’entreprise papetière Manter (aujourd’hui dénommée Arconvert), visait à montrer le potentiel de 22 sortes de papier, pour la plupart de couleur, à des fins de communication. La nouveauté consista à aborder cet objectif d’un point de vue global de façon à, d’une part, renforcer le lien entre le support physique d’une étiquette (le papier) et le produit, et, d’autre part, à apporter des informations fiables aux designers et aux imprimeurs.
S’agit-il de marques réelles ? Non, ce sont des étiquettes de produits factices. De fait, la première partie du travail de design consista à associer chaque papier à un produit pour, à chaque fois, montrer son potentiel expressif, donc, en quelque sorte, pour découvrir l’identité de chaque papier. Par exemple, le papier nacré Constellation Jade Pinstripe semblait plus approprié pour un champagne que pour un autre produit. De même, le papier recyclé Woodstock Betulla nous a paru idéal pour un vin d’une petite cave. Bien que toutes les étiquettes soient factices, beaucoup de gens nous ont demandé depuis quand nous travaillions pour l’Australie ou l’Italie après avoir vu les étiquettes Barossa Valley et Aceto Balsamico. Il convient de souligner que c’était la première fois qu’un échantillonnage de papiers était conçu d’une telle façon.
Quel rôle a joué Vidal & Armadans dans le développement d’Imaginative Colours ? Un rôle clé. En fait, au moment où nous avons assumé ce projet profondément expérimental, nous avons mis comme condition sine qua non de le mettre en œuvre avec Vidal & Armadans. Nous pensions que l’expérience et la disponibilité de cette société étaient cruciales. Et il en fut ainsi. Dès que nous entrâmes en matière, l’imprimerie Vidal & Armadans nous offrit toutes les facilités pour tester, rectifier et décider, ce qui était indispensable pour que le travail de design puisse se poursuivre jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au moment de l’impression finale.
Quel intérêt présente ce projet pour un designer ? Nous nous étions imposé dès le départ de faire en sorte que le résultat du projet soit un authentique guide pour la conception graphique et l’impression en utilisant ces papiers. Non seulement en « dé-couvrant » le potentiel de communication dont j’ai parlé plus haut, mais aussi d’un point de vue technique, c’est-à-dire du point de vue de l’impression et de la manipulation. En quelque sorte, nous souhaitions partager tout ce que nous avions appris, en tant que designers, que graphistes, tout au long de la réalisation du projet.
Quelles étiquettes vous semblent-elles être les plus parfaites techniquement ? Elles présentent toutes des effets contribuant à leur impact visuel et tactile. Par exemple, celle d’Amarone della Valpolicella a été gaufrée avec une gravure en bas-relief afin d’obtenir une texture très riche qui permet de donner l’impression que les raisins sont en mouvement. Dans le cas de l’étiquette de Grappa, nous avons opté pour une finition en stamping et braille qui n’avait encore jamais été faite. Celle de l’Aceto est également révélatrice, puisque couleurs métallisés et relief y sont combinés. Il en va de même pour celle de Barossa Valley, imprimée en neuf tons directs sur du papier noir Tintoretto Black Pepper. Il a fallu appliquer une première couche de blanc en sérigraphie pour pouvoir imprimer par-dessus en deux manœuvres les neuf couleurs en offset. C’était là un vrai défi !
En général, que supposent les effets d’impression pour la perception d’une marque ? Un bond qualitatif énorme. Rien qu’en changeant de papier, de façon d’imprimer ou de relief, une marque change, surprend, progresse. Je suis sûr que les ventes s’en ressentent, sinon la grande évolution technologique que nous avons connue ces dernières années n’aurait jamais eu lieu.
Que doit offrir une imprimerie ? Des solutions technologiques et un environnement permettant aux designers, c’est-à-dire à ceux qui sont les responsables finaux du travail d’impression, de diriger l’ensemble du processus.
Qu’est-ce qui justifie que cette façon d’imprimer soit plus coûteuse ? Le meilleur support de communication pour le vin comme pour la plupart des produits alimentaires, c’est précisément l’étiquette. Il nous faut donc toujours rechercher les solutions graphiques et techniques qui permettront de vanter au mieux les caractéristiques de la marque. C’est une erreur de s’offusquer du coût des étiquettes. Ce n’est pas un simple outil informatif. En réalité, elles sont au cœur de toute stratégie marketing.